Le 22 février 2025, Mulhouse a été le théâtre d'une attaque au couteau qui a profondément marqué les esprits. En plein après-midi, près du marché du canal couvert, un homme de 37 ans, Brahim Abdessemed, a agressé plusieurs personnes, causant la mort d'un passant et blessant cinq policiers municipaux, dont deux grièvement. L'assaillant, connu pour sa radicalisation islamiste et souffrant de troubles psychiatriques, était sous le coup d'une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) depuis plusieurs mois. Malgré cette mesure, il se trouvait encore sur le sol français au moment des faits.
Il était sous OQTF : définition et enjeux de l'OQTF
L'Obligation de Quitter le Territoire Français, ou OQTF, est une décision administrative imposant à un étranger en situation irrégulière de quitter le territoire national. Cette mesure est généralement prononcée lorsque l'individu ne possède pas de titre de séjour valide, a vu sa demande d'asile rejetée ou représente une menace pour l'ordre public. Une fois l'OQTF notifiée, l'intéressé dispose d'un délai, souvent de 30 jours, pour quitter volontairement la France. Passé ce délai, des mesures coercitives, comme le placement en centre de rétention administrative, peuvent être envisagées.
Pourquoi est-il difficile d'expulser les personnes sous OQTF ?
Bien que l'OQTF soit une mesure claire sur le papier, sa mise en œuvre rencontre de nombreux obstacles. Plusieurs facteurs compliquent l'expulsion effective des individus concernés :
- Refus des pays d'origine : Certains États refusent de reconnaître leurs ressortissants ou de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à leur retour. Dans le cas de Brahim Abdessemed, l'Algérie aurait refusé à dix reprises de le réadmettre sur son sol. Source : France 3 Régions
- Recours juridiques : Les personnes sous OQTF peuvent engager des procédures judiciaires pour contester la mesure, ce qui suspend temporairement leur expulsion.
- Problèmes administratifs : Des erreurs dans les dossiers, des délais dans les procédures ou un manque de coordination entre services peuvent retarder, voire empêcher, l'exécution de l'OQTF.
- Situations humanitaires : Certaines personnes invoquent des raisons médicales, familiales ou humanitaires pour justifier leur maintien sur le territoire, rendant leur expulsion délicate.
Pourquoi a-t-on créé ce dispositif, et qu'est-ce qui existait avant ?
Avant l'instauration de l'OQTF en 2006, plusieurs dispositifs visaient déjà à réguler la présence des étrangers en situation irrégulière en France. Parmi eux, l'arrêté de reconduite à la frontière était la mesure la plus courante. Cependant, cette procédure était souvent critiquée pour sa complexité et son manque d'efficacité. L'OQTF a été introduite pour simplifier et unifier les procédures d'éloignement, offrant un cadre juridique plus clair et une mise en œuvre théoriquement plus rapide.
Quelques chiffres sur les OQTF
Malgré les intentions initiales, l'efficacité de l'OQTF reste limitée. En 2022, plus de 134 000 OQTF ont été prononcées en France. Cependant, le taux d'exécution de ces obligations demeure faible, avec seulement 6,4 % effectivement suivies d'une expulsion. (Le Journal du Dimanche)
Plusieurs raisons expliquent ce faible taux, notamment les obstacles juridiques, administratifs et diplomatiques évoqués précédemment.
Ce graphique ci-dessous représentant l'évolution des OQTF prononcées et exécutées en France entre 2007 et 2021. Il met en évidence la hausse du nombre d'OQTF émises au fil des années, ainsi que la baisse progressive du taux d'exécution, qui atteint seulement 6 % en 2021. Ce graphique illustre bien le décalage entre les décisions administratives et leur mise en application effective. Source : Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – Rapport d’activité 2022

Ce graphique ci-dessous, issu des données de la Cour des comptes, permet non seulement d’illustrer l’un des enjeux majeurs du débat sur l’efficacité des OQTF en France – à savoir le faible taux d’exécution de ces obligations – mais aussi de mettre en lumière la pluralité des nationalités concernées. Il souligne ainsi la diversité des situations administratives et diplomatiques qui influencent l’application effective de ces mesures.

La gestion des étrangers en situation irrégulière varie d'un pays à l'autre. Certains États privilégient des approches plus strictes, tandis que d'autres optent pour des solutions alternatives :
Les alternatives en Europe
Allemagne : Le pays a mis en place des centres de départ où les personnes en attente d'expulsion sont hébergées. Ces centres offrent un encadrement strict, limitant les possibilités de fuite.
Espagne : Des programmes de retour volontaire sont proposés, offrant une aide financière aux migrants souhaitant retourner dans leur pays d'origine.
Canada : Le système canadien mise sur une collaboration avec les communautés locales pour encourager les départs volontaires, tout en offrant des garanties sur les conditions de retour.
Chaque pays adapte sa politique migratoire en fonction de son contexte socio-économique et politique, cherchant un équilibre entre fermeté et respect des droits humains.
L'attaque de Mulhouse remet en lumière les défis liés à l'application des OQTF en France. Si le dispositif vise à réguler la présence des étrangers en situation irrégulière, sa mise en œuvre effective se heurte à de nombreux obstacles.