Tempête Laurence

un nouveau visage des bouleversements climatiques en Espagne

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Le 18 mars 2025, la tempête Laurence s’est abattue sur le sud de l’Espagne, provoquant des inondations soudaines et dramatiques. Le bilan humain est lourd : un couple a perdu la vie à Constantina, emporté par un torrent de boue. Des routes ont été coupées, les transports perturbés et de nombreuses infrastructures endommagées.

Un phénomène de plus en plus récurrent

Laurence n’est pas un épisode isolé. Depuis plusieurs années, l’Espagne, comme d’autres pays méditerranéens, est frappée par des tempêtes violentes, des canicules extrêmes et des inondations records. En 2022, par exemple, la tempête Filomena avait paralysé une grande partie du pays avec des chutes de neige exceptionnelles, tandis qu'en 2023, des vagues de chaleur avaient battu des records, atteignant localement plus de 45°C. Les inondations de Valence en octobre 2024, provoquées par des pluies torrentielles, avaient également marqué les esprits. Ces phénomènes semblent se multiplier et gagner en intensité, conséquence directe du dérèglement climatique.

Le rôle du réchauffement climatique

L’un des principaux moteurs de cette intensification est le réchauffement climatique. En raison des émissions de gaz à effet de serre, les températures moyennes augmentent. Cela entraîne plusieurs conséquences :

  • Des mers plus chaudes : La mer Méditerranée, particulièrement sujette au réchauffement, agit comme un véritable réservoir d’énergie pour les tempêtes. En raison de sa petite taille, de son caractère semi-fermé et de sa faible profondeur par rapport aux océans, elle se réchauffe plus rapidement. Plus l’eau est chaude, plus l’évaporation est forte, alimentant les nuages et augmentant l’intensité des précipitations.
  • Une atmosphère plus humide : Plus l'air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d'eau. Ce phénomène s'explique par la loi de Clausius-Clapeyron : chaque degré supplémentaire augmente la capacité de l'air à retenir environ 7 % d'humidité en plus. Résultat, lors de la condensation de cette vapeur (par exemple quand l'air rencontre un front froid), des pluies soudaines et intenses se produisent.
  • Modification des courants atmosphériques : Le dérèglement climatique perturbe les courants-jets, ces vents rapides en haute altitude qui guident les systèmes météorologiques. Normalement alimentés par des différences marquées de température entre l'équateur et les pôles, ils ralentissent à mesure que l'Arctique se réchauffe plus vite que le reste du globe. Ce ralentissement désorganise les échanges d'air entre les latitudes, favorisant la stagnation ou l'intensification des dépressions, et par conséquent, des tempêtes plus durables et plus puissantes.

Urbanisation et vulnérabilité accrue

Un autre facteur aggravant est l’urbanisation rapide, souvent sans prise en compte suffisante des risques climatiques. En Espagne, comme ailleurs, l’artificialisation des sols empêche l’infiltration naturelle de l’eau, augmentant le risque d’inondation. Les infrastructures vieillissantes ou mal adaptées sont d’autant plus vulnérables.

Pour remédier à cette vulnérabilité accrue, plusieurs pistes existent : restaurer des espaces naturels pour permettre une meilleure infiltration de l'eau, moderniser les infrastructures pour qu'elles résistent aux tempêtes, et intégrer les risques climatiques dans les nouveaux plans d'urbanisme.

Une tendance appelée à se renforcer

Selon les experts du GIEC, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites drastiquement, ces événements extrêmes deviendront plus fréquents et plus intenses. La tempête Laurence est donc un avertissement supplémentaire sur la nécessité d’adapter nos infrastructures, de revoir l’aménagement du territoire et surtout de réduire les émissions à l’origine du réchauffement.

Ce constat ne se limite pas à la Méditerranée : depuis quelques années, des cyclones et ouragans frôlent également les côtes portugaises, un phénomène historiquement très rare. Les données du Centre National des Ouragans (NHC) et de l'Agence météorologique portugaise confirment une augmentation des trajectoires de systèmes tropicaux atteignant l'Atlantique Nord-Est. L'ouragan Leslie en 2018, qui avait touché le Portugal en tant que cyclone post-tropical, en fut un précurseur marquant. Les océans Atlantique et Méditerranée plus chauds favorisent l'intensification et la durabilité de ces systèmes tropicaux, qui peuvent remonter jusqu'en Europe de l'Ouest. Cette tendance inquiète les climatologues, comme en témoignent les rapports du GIEC, car elle reflète une redistribution globale des risques climatiques extrêmes.

Vers une résilience climatique ?

Face à ces bouleversements, le constat est clair : il devient urgent d'intégrer les risques climatiques dans les politiques d'aménagement urbain. Les villes espagnoles et européennes doivent renforcer leur résilience face à des phénomènes qui s'intensifient. Les décisions prises aujourd'hui en matière de réduction des émissions, d'adaptation des infrastructures et de protection des populations détermineront si les tempêtes comme Laurence resteront des épisodes exceptionnels ou deviendront une norme incontournable.